3.02. Etudier les comportements de ses publics pour adapter son adresse

Cette fiche étudie le principe de la segmentation comme modalité pour une action marketing efficace, tant dans ses résultats obtenus que dans la manière dont elle mobilise les ressources humaines de votre équipement.

La diversité des publics est une richesse autant qu’un objectif pour tout projet culturel de spectacle vivant public. C’est aussi un défi lorsqu’il s’agit de communiquer auprès de toutes et tous de manière adaptée. Dans un monde dans lequel la culture se consomme aussi bien en ligne que dans les salles, où l’attention des individus est si férocement disputée par de nombreux opérateurs médiatiques, culturels ou de loisirs (: lien vers les fiches "Les pratiques culturelles de plus en plus numérisées ?" "Quels enjeux sociétaux entourent la donnée"), il est essentiel de comprendre les comportements numériques de ses publics pour pouvoir les atteindre - et pour les atteindre de la façon la plus efficace.

En scrutant les habitudes de navigation et d’achat des individus, les structures culturelles peuvent notamment :

  • Adapter leur communication aux attentes et habitudes spécifiques du public, donc mieux les considérer.
  • Envoyer des messages au bon moment, augmentant ainsi l’engagement et les ventes.
  • Planifier leurs actions en allouant mieux le temps et les ressources humaines, donc plus efficacement.

De cette étude découleront des segments de publics ou de cibles, composés en regroupant des individus partageant les mêmes comportements ou attitudes à l’égard du projet culturel considéré. Les stratégies de communication s’appuieront dès lors sur ces segments pour être les plus appropriées possible. C’est aussi sur ce principe que reposent les tunnels de conversion que nous avons présentés dans une autre fiche (voir fiche intitulée « Quels sont les différents “tunnels de conversion” dans le contexte du marketing culturel ? »).

We’re a 170-year-old organisation but before 2015 we knew very little about our audiences.

The Shakespeare Birthplace Trust

Qu’est-ce que la segmentation des publics et sur quoi s’appuie-t-elle ?

Pour bien comprendre ce qu'est la segmentation, nous devons considérer dans cette optique le public de la culture comme un marché. Selon les mots de François Colbert, professeur de marketing à HEC Montréal et titulaire de la Chaire de gestion des arts Carmelle et Rémi-Marcoux, "un segment de marché est un sous-groupe de consommateurs qui ont des caractéristiques similaires, expriment des besoins et des désirs semblables et réagissent à la même stratégie de marketing". L'action de segmentation consiste donc à "découper" son audience pour l’organiser selon des comportements ou préférences semblables. Elle permet à une entreprise traditionnelle de concevoir le produit le plus adapté à sa cible, en réponse à ses goûts et comportements.

Dans le secteur culturel, on va plutôt aller chercher parmi son audience, dans sa base de données spectateurs par exemple, les personnes les plus susceptibles d’être intéressées par l’offre culturelle que l’on propose.

Important : quand on travaille sur sa base de spectateurs, souvent on dispose des données des acheteurs uniquement. Pour y remédier, les cartes d'adhésion nominative permettent de connaître plus finement ses acheteurs (par exemple, au sein d'un foyer). Les données liées à l'achat peuvent aussi être complétées par des enquêtes de terrain (sondage sur place, enquête en ligne) pour mieux connaître les spectateurs non acheteurs.

L’importance de la segmentation des audiences

La segmentation d’un marché est probablement l’un des outils les plus puissants dont disposent les équipes marketing pour déterminer et mettre en œuvre leur stratégie. Parce qu’elle offre une fine compréhension de son public, bien-sûr, mais aussi parce qu’elle force l’équipement à s’interroger sur la nature et les besoins de celui-ci, la segmentation permet d’adapter la communication aux publics visés.

Si l'argent, le temps et les moyens des lieux culturels étaient inépuisables, ceux-ci s'adresseraient à tous les publics à la fois, avec des messages personnalisés et adaptés à chacun d’entre eux. Dans la réalité, les moyens humains et matériels sont plus que limités, et il est donc indispensable de trouver une autre façon de procéder. La segmentation, en divisant les publics ou les consommateurs en différents groupes d’affinités ou de comportements similaires, offre, en quelques sorte, la possibilité d’une "personnalisation de masse", selon les termes du cabinet de conseil Morris Hargreaves McIntyre. Les systèmes de segmentation sont désormais adoptés par des centaines d'organisations artistiques, culturelles, patrimoniales et caritatives dans le monde entier, au même titre que le reste du monde économique, et sont regroupés en quatre sous-ensemble :

  • les critères socio-démographiques
  • les critères géographiques
  • les critères comportementaux
  • les critères psychographiques.

Critères de segmentation selon la solution d'optimisation Kameleoon, mai 2024.

Cette segmentation, lorsqu’elle est établie sur des critères comportementaux, peut considérer le rapport des audiences à l’établissement :

Relation à l’établissementEnjeuObjectif à atteindreExemple d’actions envisageables
Aucune connaissanceNotoriétéFaire connaître le projetCampagnes digitales ciblées, collaborations avec médias culturels, accueil d’évènements non culturels, portes ouvertes…
Image négativeImage de marqueAméliorer la perceptionTémoignages, vidéos immersives des coulisses, mise en avant des dates complètes…
Connaissance sans venuePassage à l’acteInciter à la première venueOffres découverte, mise en avant des critiques positives, envoi de code promo…
Déjà venu∙eFidélisationEncourager les retoursCartes de fidélité, newsletters avec recommandations personnalisées
Fréquentation régulièreAmbassadeursTransformer en prescripteursExpériences VIP, contenus exclusifs à partager, programme de mécénat individuel…

Ces quelques exemples illustrent comment les formes d’adresse vont différer selon la typologie de public visé, et la nature de sa perception et fréquentation de l’équipement.

D’autres critères comportementaux de segmentation sont possibles et reposent cette fois sur les préférences des personnes et leurs comportements de réservation :

CritèreForme d’expression du critèreExemple d’actions envisageables
Préférences esthétiquesConsommation de pièces de répertoire, théâtre découverte, venue sur les spectacles les plus porteurs, le jeune public…Newsletters avec recommandations personnalisées, annonce exclusive de tel ou tel spectacle bientôt à l’affiche
Comportements d’achatRéservation anticipée via l’abonnement, achat de dernière minute…Promotion adaptée aux comportements de la personne ciblée
Modalités de fréquentationAchat en solo, toujours par deux places, pour la famille…Encouragement vers tel ou tel produit de fidélisation, contenu adapté

Profilage psychographique : le cas des "Cultural segments"

Enfin, s’agissant d’une segmentation établie à partir de critères psychographiques, le cabinet de conseil Morris Hargreaves McIntyre a réalisé un parfait exemple avec son projet intitulé Cultural Segments (lien externe). Conçus pour répondre spécifiquement aux besoins du secteur international des arts et de la culture, ces profils de publics ne reposent pas sur des données démographiques, sur l’âge ou le comportement des individus mais sur leurs valeurs. Ce système de classification entend comprendre les motivations des individus à s'engager dans une pratique culturelle pour ensuite mieux élaborer des messages cohérents avec leur état d’esprit (les références de ce système sont référencés dans les ressources de cette fiche).

L’attention portée aux comportements des publics, au travers de la segmentation et des persona, permet de mieux communiquer, de rationaliser les efforts internes et d’optimiser les ventes. En définissant des audiences précises et en adaptant les actions marketing à celles-ci, les lieux culturels renforcent leur lien avec les publics et se donnent les moyens de développer des stratégies adaptées à leurs besoins. L’enjeu est à la fois stratégique et humain : mieux comprendre pour mieux rassembler.

L’usage des personas

Le travail de segmentation trouvera son aboutissement dans la conception de persona. Une persona, dans le cadre de la conception centrée sur l'utilisateur d’un service numérique ou de la mise en œuvre d’une stratégie du marketing, est une représentation fictive d'une personne dotée de caractéristiques socio-démographiques et psychologiques spécifiques, destinée à représenter un segment précis de la clientèle ou de l'audience.

Cette méthode permet notamment d'identifier les besoins et objectifs des utilisateurs, mais également ses objections et freins afin de mieux y répondre. Attention : bien que fictifs, ces personas incarnés sont élaborés d’après des informations réelles... Plus que des stéréotypes, les personas sont des archétypes de vos publics réels ou à venir.

Ce qui fait la force de vos personas, ce sont les données sur lesquelles ils reposent. Celles-ci doivent avoir été recueillies en amont, à l’occasion d’une phase de recherche utilisateur, découpée en deux étapes :

  • recherche secondaire (benchmark, lecture d’études sur le sujet investigué)
  • recherche primaire (généralement des entretiens et observations)

Pour construire un persona, il faut interviewer au minimum 2 à 4 utilisateurs par segment. Conduire un entretien utilisateur requiert en outre de la préparation, ainsi qu’une certaine expérience, l’enjeu étant de recueillir des informations "IPA", c'est-à-dire : informatives, pertinentes et actionnables.

Ronan Le Guern,Designer de services publics numériques

À l’issue de la phase de recherche primaire, l’information brute est digérée, selon un processus dont l’objectif est d’isoler des patterns comportementaux qui se répètent, pour créer la base de chaque persona.

La construction des persona dépend donc de la qualité de la base de données de l’équipement et de sa capacité à recueillir des données auprès des publics (voir à ce sujet la fiche "Comment produire des données avec les parties prenantes ?").

De ces données rassemblées, il est possible d'identifier des groupes homogènes selon des critères pertinents, par exemple : fréquence de venue, motivation, sensibilité artistique, canal d'information préféré, valeurs.

Dès lors, avec ces personas en tête, il est plus aisé de personnaliser la création de contenus, les actions marketing qui s’en trouvent affinées, tandis que l'expérience pour les publics est améliorée. Cette démarche stratégique bénéficie autant aux individus fréquentant l’établissement qu'à l'organisation elle-même, car mieux comprendre ses publics revient à mieux organiser le travail des équipes.

Pour aller plus loin

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