4.06. Demain, un monde sans cookies ?

Par ici, on explore la conséquence de l’abandon progressif des cookies tiers par les moteurs de recherche, sur lesquels reposent actuellement beaucoup d’actions de marketing digital.

Disclaimer / Avertissements : cette fiche traite de l’évolution des pratiques du web en matière de cookies publicitaires et de suivi d’audience, dont l’évolution est susceptible d’être plus rapide que notre mise à jour de cette page. 

Les cookies jouent un rôle crucial dans le tracking sur internet, pour les stratégies de marketing digital. Ces petits fichiers texte, enregistrés sur le terminal d'un utilisateur (ordinateur, smartphone, tablette, etc.), permettent de collecter et stocker diverses informations sur leurs comportements en ligne. Il en existe deux types : les cookies "first party" et les cookies tiers ou cookies "third party".

Les cookies "first party", déposés sur le terminal de l’internaute par le site internet que la personne consulte, servent un objectif de performance et de qualité de service : en conservant les sessions de navigation de l’internaute, ils permettent de charger le contenu des pages web plus vite pour les visites suivantes. Il s’agit des cookies "first party "techniques.

Les cookies "firt party" ont aussi des visées marketing — et donc nécessitent dans ce cas un consentement : ils permettent au propriétaire du site d’améliorer la connaissance et le ciblage publicitaire des consommateurs, ou de conserver un panier d’achat sur un site e-commerce pour faciliter la reprise d’un geste d’achat…

Le cookie tiers, ou cookie "third party", est quant à lui déposé par un annonceur ou un réseau publicitaire différent du site Internet visité. Ces cookies permettent de suivre l’activité de navigation d’une personne à travers différents sites Internet. Ces informations inviteront ensuite l’annonceur à diffuser des publicités ciblées en fonction des intérêts et du comportement de l’utilisateur.

Qu'est-ce qu'un cookie ?

Depuis plusieurs années, ces cookies sont de plus en plus encadrés et remis en cause pour leur caractère invasif, insuffisamment transparent et la collecte trop importante de données qu’ils génèrent. Dans ce contexte, l’avenir des cookies est incertain : après avoir annoncé leur fin pour 2020, puis pour mi-2024, Google vient de repousser leur suppression des cookies tiers sur son navigateur à 2025. La fin des cookies tiers vise aussi à répondre à la pression croissante des régulateurs européens sur la question de la protection des données personnelles, symbolisée par l’entrée en vigueur du RGPD en 2018.

Le "cookieless"1 représente donc un défi majeur et essentiel pour tous les acteurs. La transition vers des solutions efficaces en termes marketing et respectueuses de la vie privée n’est pas sans difficulté. Ce changement majeur affectera la manière dont les équipements culturels suivent et comprennent les comportements de leur public en ligne. Dès lors, que signifie concrètement un monde sans cookies pour les salles de spectacle et les institutions culturelles ?   

1 Notons que le cookieless - sans aucun cookies - n'existe pas. L'expression "cookieless" désigne un mode de commercialisation dans lequel les spécialistes du marketing digital sont moins tributaires des cookies.

Comment fonctionnent les cookies aujourd'hui ?

Les cookies se distinguent en plusieurs catégories de fonctions que l’on peut résumer ainsi :

  1. Les cookies essentiels sont nécessaires au bon fonctionnement du site, par exemple pour la gestion d'un panier d'achat ou l’identification lors de l'achat de billets en ligne. Ils ne sont pas soumis au recueil d’un consentement explicite préalable.
  2. Les cookies fonctionnels permettent, eux, d'améliorer l'expérience utilisateur, par exemple en mémorisant les préférences linguistiques ou d’affichage.
  3. Les cookies de mesure d'audience sont utilisés pour analyser la fréquentation d'un site (ex : Google Analytics, Matomo). Ils sont soumis depuis la mise en place du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) (lien vers fiche 9 Quelle est la règlementation applicable aux données personnelles ?) au recueil d’un consentement explicite et le choix de solutions conformes.
  4. Les cookies publicitaires quant à eux suivent la navigation d'un internaute pour proposer des publicités ciblées. Ils sont au cœur des préoccupations actuelles et soumis à des règles strictes.

Ces notions fonctionnelles se superposent avec les notions plus techniques de cookies internes et cookies tiers présentées en introduction.

Les informations recueillies via les cookies tiers permettent de créer un profil détaillé de l’utilisateur, incluant ses préférences, ses habitudes d’achat et ses centres d’intérêt. Ceci explique pourquoi le marketing digital repose si largement sur l’utilisation des cookies actuellement.

Ils sont utilisés pour :

  • Le ciblage publicitaire : les annonceurs peuvent diffuser des publicités personnalisées en fonction du profil de l’utilisateur.
  • Les actions de Retargeting : les utilisateurs peuvent voir des publicités pour des produits qu’ils ont précédemment consultés sur d’autres sites. (voir la fiche consacrée à ce sujet : lien vers fiche 27 Connaître et investir dans les différentes formes de publicité en ligne).
  • L’analyse du comportement : les équipes de communication/marketing peuvent comprendre le parcours client et optimiser leurs stratégies.
  • Une personnalisation de l’expérience de visite en ligne : même si cela est peu pratiqué par les équipements culturels, les sites web peuvent en principe adapter leur contenu en fonction des préférences de l’utilisateur.

Un usage intensif devenu indésirable

L’utilisation intensive des cookies soulève des préoccupations en matière de vie privée. Les cookies tiers sont particulièrement visés par les évolutions réglementaires. En effet, les cookies de suivi soulèvent d’importantes inquiétudes, en lien avec la confidentialité :

  • Ils permettent de collecter des données détaillées sur le comportement en ligne des utilisateurs, jusqu’à pouvoir créer des profils numériques complets.
  • Ces informations peuvent être partagées avec des tiers sans le consentement explicite des utilisateurs. 
  • Le manque de transparence sur l’étendue de la collecte de données et leur utilisation inquiète de plus en plus les internautes.

D'autant que les modules de recueil du consentement des visiteurs sont très souvent pensés pour décourager, voire empêcher le refus des cookies tiers par des méthodes malhonnêtes (exemples : l’option de refus placée à un endroit peu visible, le pop-up nécessite de décocher un à un les tiers partenaires dans des listes de plusieurs centaines, ou impossibilité d’accéder au site sans autoriser tous les cookies).

En outre, l’efficacité même des cookies de suivi est contestée :

  • Malgré les stratégies parfois mises en place pour limiter les refus, les cookies sont souvent bloqués ou supprimés par les navigateurs, avec un taux de rejet atteignant 64 % sur ordinateur et 75 % sur mobile.
  • Ils peinent à suivre les utilisateurs entre différents appareils et applications, ce qui conduit à des données inexactes et à un gaspillage potentiel des budgets publicitaires.

Google joue un rôle majeur dans l’avènement d’un Web sans cookies tiers. En effet, dans la mesure où son navigateur Chrome cumule plus de 60 % de parts de marché, ses décisions ont un impact direct sur les pratiques numériques.

En 2020, Google a lancé son initiative "Privacy Sandbox" visant à remplacer les cookies tiers par de nouvelles technologies plus respectueuses de la vie privée. Parmi ces solutions, Google Topics API propose d’attribuer des thématiques d'intérêt aux internautes (ex : "spectacle vivant", "cinéma") sans identifier individuellement les personnes. Les annonceurs peuvent alors cibler ces thématiques plutôt que des profils spécifiques.

L’ensemble de cette migration vers de nouvelles pratiques sans cookies tiers semble pourtant laborieuse, même pour cet acteur hégémonique.  En effet, il a déjà reporté par deux fois la suppression des cookies tiers sur son navigateur Chrome, tant elle implique de concilier les commentaires divergents de l’industrie, des régulateurs et des équipes de développement. Initialement prévue pour 2024, cette suppression a été reportée au début de l’année 2025, et se met en place plus que progressivement.

Quelles alternatives aux cookies tiers ?

Avec la disparition annoncée des cookies tiers, plusieurs stratégies émergent pour continuer à exploiter les données :

  • "First party data" (données de première main) : collectées directement par un site web lors des interactions avec ses utilisateurs (ex : données issues des réservations de billets ou des abonnements aux newsletters). Elles deviennent un levier clé pour personnaliser la relation avec le public.
  • "Second party data" (données de seconde main) : données partagées entre partenaires de confiance. Par exemple, un théâtre pourrait collaborer avec un festival pour mutualiser certaines informations anonymisées sur leurs publics respectifs.
  • "Third party data" (données de tierce main) : historiquement issues de cookies tiers, elles seront de plus en plus difficiles à obtenir. Des alternatives émergent via des plateformes comme Google Topics API ou des données contextuelles (analyse du contenu consulté plutôt que du comportement passé). La piste de l’usage de DMP est aussi à étudier. (lien vers fiche CDP DMP)

Quel impact concret pour les équipements culturels ?

La disparition des cookies tiers implique des changements importants pour les structures culturelles, et appelle une modification profonde des pratiques vers le "cookieless marketing" :

  • Valoriser les first party data : les salles de spectacle devront renforcer la collecte directe de données en incitant le public à créer un compte, s'abonner à des newsletters ou participer à des enquêtes post-spectacle.
  • Adopter des outils de mesure alternatifs : les solutions comme Matomo, une plateforme open source respectueuse du RGPD, offrent une alternative aux outils de suivi traditionnels.
  • Développer des partenariats stratégiques : mutualiser certaines données avec des institutions partenaires peut enrichir la connaissance des publics tout en respectant la confidentialité.
  • Miser sur le contexte : cibler les publics en fonction du contenu consulté (ex : promouvoir un spectacle de danse sur une page dédiée au même genre, un spectacle familial sur une page pour les jeunes parents) devient une stratégie clé.

En conclusion, bien que les cookies soient actuellement au cœur des stratégies de marketing digital, nous devons imaginer dès aujourd'hui des solutions pour nous adapter à un avenir où leur utilisation sera plus limitée. D'autant que plusieurs navigateurs aujourd'hui proposent "une navigation qui protège la vie privée" des utilisateurs en ne stockant pas les cookies : DuckDuckGo, Startpage, Qwant - pour n'en citer que quelques-uns.

Pour aller plus loin

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