3.04. Dire "non" à une demande de dernière minute (et obtenir gain de cause)

Par ici, on apprend comment se protéger de ce qui représente le micro-management de la communication par excellence : les demandes inopportunes de publication non-prévues dans votre stratégie de communication.

Les équipes de communication, marketing et billetterie le font régulièrement remonter lors de rencontres professionnelles : du jour au lendemain ou d'une heure à l'autre, parce qu'un spectacle ne remplit pas, on leur demande d’envoyer un emailing à toute la base spectateurs ou de faire une publication sur les réseaux sociaux.

La communication intempestive est préjudiciable à votre stratégie de communication

Or, l’efficacité des campagnes d’emailing ou des publications sur les réseaux sociaux repose sur une stratégie de long terme. Elle dépend d’une planification judicieuse et déterminée au regard des statistiques analysées des campagnes précédentes, de l’étude des comportements de la communauté, et du ciblage établi en fonction de nombreux paramètres, dont celui du contenu et de la temporalité du message. Cette stratégie doit être anticipée, pensée et finement structurée pour remplir ses objectifs. Chaque message, pour être efficace, doit être pensé pour un public précisément ciblé. C’est la raison pour laquelle les communications d’urgence pour faire face à un manque de remplissage sont le plus souvent inopérantes : elles consistent essentiellement dans la répétition d’un message auparavant précisément ciblé ; réadressé cette fois à un trop vaste public.

Envoyer plusieurs fois le même message à caractère promotionnel au même public pour un spectacle qui s’approche n’envoie qu’un seul message à ses destinataires : celui que la salle est vide, et l’équipement culturel aux abois.

Anne Le GallDéléguée générale du TMNlab

C’est pourquoi ces actions désespérées sont aussi inefficaces qu’indésirables, pour le public comme les équipes concernées :

  • Elles arrivent souvent comme la goutte d’eau d’un vase déjà débordant, pour une équipe en général déjà surchargée. En creux, ces demandes viennent aussi nier un travail quotidien... Si une simple publication de dernière minute suffisait à remplir une salle, à quoi servent les équipes de communication ?
  • Ces publications ou envois vont contrarier la planification au long cours déjà prévue pour le reste de l’activité. De ce fait, elles risquent de minorer l’impact des actions de communication anticipées. Dans certains cas, il faudra même les reporter au bénéfice de ces demandes tardives, ce qui peut causer un manque de promotion sur d’autres spectacles selon le principe de la réaction en chaîne.
  • En outre, ces actions de dernière minute sont rarement efficaces, et ce, pour deux raisons. Les communications faites dans l'urgence ne sont souvent que des répétitions de messages déjà envoyés précédemment. De plus, ces messages témoignent malgré eux que l’équipement tente de remplir une salle plus ou moins vide. Ils ne véhiculent une image positive ni du spectacle, ni du lieu.

Faisons à présent le tour des arguments les plus souvent invoqués pour provoquer ces actions de communication imprévues, et analysons pourquoi ces arguments... n’en sont pas. 

"Ça ne coûte rien d'essayer !" : pourquoi c'est un faux argument

  • Le risque de saturer l’audience : un excès de sollicitations peut déclencher de la lassitude chez le public, et mener à une perte d'engagement ou pire, à des désabonnements.
  • Diminution de l’impact : plus un message est diffusé de manière répétitive, moins il est perçu comme pertinent. Un message bien ciblé et stratégiquement envoyé est plus efficace qu’un matraquage.
  • Temps et ressources : même si l’envoi d’un email ou d’une publication ne semble pas coûteux, la création d’un contenu pertinent, la segmentation et l’analyse des performances exigent un investissement en temps et en ressources humaines.

Deux arguments pour répondre :

  • "Multiplier les envois en catastrophe risque de décrédibiliser notre communication sur le long terme."
  • "Nous pouvons étudier ensemble des leviers plus pertinents pour mieux toucher la cible la prochaine fois, comme un travail sur les partenariats ou la mise en avant d’un contenu engageant."

"Si on en est là, c'est parce que la stratégie de communication est inefficace" : pourquoi c'est un raisonnement biaisé

  • Changer de méthode plutôt qu’ajouter du bruit : plutôt que de multiplier les publications ou les emails, mieux vaut retravailler le message, la segmentation du public ou le choix des canaux. On pourra par exemple penser ce message comme une relance à destination des personnes n’ayant pas ouvert la précédente communication sur le spectacle en question.
  • La communication ne fait pas tout : une salle non remplie n’est pas forcément le signe d’une communication inefficace. Le manque de remplissage peut être lié à des motifs structurels (concurrence, date mal choisie, pricing, manque d’attractivité du spectacle).

Comment réagir en deux arguments ?

  • "Nos campagnes sont construites en fonction de données sur le comportement du public. Plutôt que d’augmenter le volume de communication, nous devons nous assurer que le message et le canal utilisé sont pertinents."
  • "Analysons les retours des actions précédentes avant d’ajouter une communication supplémentaire. Une approche fondée sur l'étude des données nous permettra d’identifier les vrais leviers d’amélioration."

"Si on ne fait rien, la salle sera vide" : pourquoi c’est une vision trop simpliste ?

  • Réagir dans l’urgence n’est pas une stratégie : une action de communication ne peut compenser un manque de mobilisation en amont. La préparation et la planification sont essentielles.
  • Le public a besoin de temps : le cycle de décision d’un spectateur est influencé par plusieurs facteurs (bouche-à-oreille, agenda personnel, autres offres culturelles). Un message de dernière minute ne garantit en rien la conversion.
  • Effet contre-productif : un trop grand nombre d’appels à l’urgence peut nuire à l’image de la structure et donner l’impression d’un manque de maîtrise.

Deux réponses pour appeler à la réflexion plutôt qu'à la réaction : 

  • "Si la salle n'est pas remplie, regardons les causes profondes. Un mailing de dernière minute ne remplacera pas une réflexion sur la stratégie de diffusion, les partenariats et l'engagement du public en amont."
  • "Notre base de contact est un trésor, la surexploiter peut nous coûter bien plus cher qu’une soirée en demi-teinte."

En d'autres termes, répondre par la négative à une demande de communication supplémentaire ne revient pas à refuser d'aider, mais plutôt à garantir la performance de la globalité des systèmes de communication de votre équipement. Il s'agit aussi d'assurer que chaque action reste pertinente et efficace, en ne sacrifiant pas, par exemple, la communication planifiée et impactante pour une publication intempestive.

Et si je perds l’arbitrage ?

Une bonne connaissance des mécanismes des réseaux sociaux et des comportements du public de votre équipement vous donne les meilleurs arguments pour refuser d’accéder aux demandes de publication de dernière minute, tant vous savez qu’elles sont inefficaces.

Votre analyse des campagnes précédentes donnera également du poids à votre refus. Si toutefois, vous n’aviez d’autre choix que d’accéder à l’une de ces demandes, il s'agirait de :

  • Segmenter au maximum le public auquel sera envoyé le contenu pour s’adresser à la cible la plus précise et la plus adaptée : pour un email, se concentrer sur le public n’ayant pas ouvert les premiers messages, ou commencé un panier sans aller à son terme, ou encore sur les publics dont on a identifié un comportement d’achat en dernière minute. Nous vous invitons à consulter la fiche dédiée à cette question de la segmentation (lien fiche segmentation) pour en savoir plus.
  • Personnaliser et adapter au maximum le contenu pour qu’il soit perçu par le destinataire comme un contenu nouveau.
  • Pour une communication sur les réseaux sociaux, privilégier une communication centrée sur le contenu de l’œuvre jouée pour susciter de l’engagement ou sur l’expérience proposée, car les messages à caractère promotionnel ne fonctionnent que peu.

Remplir à tout prix un spectacle non sélectionné par les publics, malgré les multiples supports communicationnels, peut desservir. Au-delà de décrédibiliser notre structure à coups de communications de dernière minute, c'est prendre le risque de perdre le spectateur face à une proposition artistique inadaptée. Il en va de la relation de confiance créée entre la structure et ses publics.

Salomé SchönauChargée du développement des publics, Théâtre de Liège

Pour aller plus loin

Envie de contribuer ?

Depuis plus de 10 ans, le TMNlab anime une communauté apprenante francophone de professionnels du spectacle vivant pour produire et diffuser une culture numérique responsable. Envie d’en savoir plus ou de contribuer à cette plateforme ? Contactez-nous.