4.03. De l’évaluation au pilotage : faire parler les données autrement

Cette fiche explore les techniques avancées de "Business Intelligence" et de "Data Visualisation" et en considère les opportunités pour les équipements culturels.

Les métiers de la culture ont connu une numérisation rapide, à l’instar de ceux de l’ensemble de l’économie, ce qui a provoqué une production massive et continue de données sur leurs activités. De nombreuses techniques et outils ont progressivement émergé pour faire face à cette intense production de données et en extraire de précieuses connaissances. On s’intéresse ici à deux d’entre elles : la Data Visualisation, qui a pour principe de traduire visuellement des données afin d’en appréhender plus finement le sens, et la Business Intelligence. Correctement utilisées, ces techniques représentent une précieuse aide à la décision et au pilotage des équipements, mais également un moyen efficace de communiquer sur son activité et d’en rendre compte, en interne comme vis-à-vis de ses tutelles.

Comment donc "faire parler" les données de manière efficace par le biais de la Data Visualisation ou de la Business Intelligence, sans tomber dans les travers du "tout monitoring" ?

Rappelons en préambule que les données n’ont, en soi, pas de valeur intrinsèque. Leur pertinence et impact éventuel dépendent entièrement de la manière dont elles sont utilisées et interprétées (voir fiche donnée). En revanche, une mauvaise interprétation ou une approche peu rigoureuse de leur traitement peuvent mener à des décisions contre-productives. C’est pourquoi il est essentiel d’être exigeant sur la qualité des données et d’en assurer le nettoyage et la mise à jour régulière. C’est un préalable à tout projet d’exploitation de données, que celle-ci soit effectuée sur tableur ou à l’aide d’outils plus sophistiqués, dont il est question dans cette fiche.

La Data visualisation, pour mieux comprendre et faire comprendre ses données 

La data visualisation — ou visualisation de données, ou Dataviz — consiste à encoder, à convertir des données numériques en un format visuel, pour les rendre plus appréhendables et compréhensibles. On passe ainsi d'une donnée brute à "une forme raffinée interprétée" et visuelle (selon les termes de Datactivist (lien externe), société coopérative recensés dans les ressources de cette page). Elle trouve ses origines au XVIIIe siècle dans les travaux de pionniers comme l'ingénieur et économiste écossais William Playfair (1759-1823), qui a créé les premiers graphiques à barres et à lignes (se reporter à la ressource "Data By Design" pour en savoir plus). La discipline se diffuse à l’occasion de la révolution numérique du XXe siècle.

Le développement de l’informatique et l’explosion des données produites suscitent un besoin d’outils de traitement de données, et de médiation. De fait, cette méthode de plus en plus utilisée par les journalistes porte en elle une véritable plus-value pédagogique et médiatrice sur le sujet qu’elle documente. Utilisée à l’intérieur d’une organisation, elle permet aussi de créer de la compréhension commune entre des salariés aux métiers, sensibilités et niveaux de technicité différents. Dans le secteur culturel, il est devenu banal de trouver une rubrique de data visualisation dans les logiciels de billetterie ou de CRM.

Son bon usage est toutefois soumis au respect de plusieurs principes. La Dataviz suppose tout d’abord une bonne appréhension des données brutes ainsi qu’un angle, un message défini que l'image produite devra transmettre. Elle suppose également de déterminer le bon niveau de représentation (la bonne granularité) et un choix pertinent du type de graphique ; la même information pouvant apparaitre tout à fait claire ou incompréhensible selon la modalité de représentation retenue. On se reportera à ce sujet aux conseils de Nazirah Jetha en la matière sur le blog de la plateforme Tableau (lien externe), conseils applicables à n’importe quel outil. Il s’agit enfin d’assurer la lisibilité du support (y présenter une quantité suffisante de données pour en assurer la fidélité aux statistiques, sans sacrifier son caractère compréhensible), et trouver le juste niveau d’esthétisme qui habillera le propos sans le desservir.

Il n’y a pas de représentations graphiques neutres. L’infographie est une sorte de traduction d’un texte ou d’un sujet, donc comme toute traduction, ce n’est pas neutre.

Clara Dealberto,rédactrice graphique à Libération

Quelques exemples inspirants de Data Visualisation 

  • GOV-DNA (lien externe)
    Ce graphique interactif compare les gouvernements de différents pays selon une variété d’indicateurs pour montrer ce qu’est "l’ADN" d’un bon gouvernement. Cette data visualisation a remporté le World Data Visualization Prize 2019 dans la catégorie des visualisations interactives.

  • Rock’n’Roll Metro Map (lien externe)
    L’illustrateur et designer graphique milanais Alberto Antoniazzi représente les nombreux courants du rock sous la forme d’une carte imaginaire de transports en commun. Les sous-genres y forment des lignes et les groupes des arrêts.

  • London Under The Microscope (lien externe)
    Cette impressionnante réalisation du designer d'information Duncan Geere combine Datavisualisation et composition musicale pour illustrer un an de Coronavirus à Londres (une seconde = un jour) avec une ligne de basse pour les déplacements, deux notes séparées par une octave pour les cas et les décès, et des "pings" qui représentent des événements soudains (confinement, variant…).

  • World’s Biggest data breaches and hacks (lien externe)
    Cette visualisation interactive et mise à jour régulièrement donne à voir les failles de sécurité et vols de données subies par des organisations majeures depuis 2004 selon leur niveau de sensibilité et le type de faille de sécurité rencontrée (hacking, erreur humaine, négligence…). Le résultat est aussi agréable à consulter que vertigineux.

  • The problem with plastics (lien externe) 
    En un coup d’œil, le graphique permet de prendre la mesure de l’ampleur du problème que pose l’usage du plastique et de comprendre en quoi le recyclage des plastiques représente une solution inefficace.

Quels outils utiliser ?

De nombreux outils sont disponibles et permettent de réaliser des datavisualisations simples ou sophistiquées. L’essentiel, comme précisé plus haut, est de déterminer l’outil en fonction des besoins et des compétences des équipes pour que celui-ci présente une réelle valeur ajoutée et soulage les équipes.

Différents outils en fonction des usages

La Business Intelligence (BI), ou informatique décisionnelle, pour piloter au quotidien

Business Intelligence, informatique décisionnelle ou BI, tous ces termes recouvrent les mêmes fonctionnalités. Son objectif, comme la Dataviz, est de transformer les données brutes en informations exploitables, mais la Business Intelligence va au-delà de la seule visualisation : elle intègre un processus d’analyse des données pour permettre le pilotage de l’activité et orienter les décisions stratégiques. Les applications de BI vont ainsi collecter, croiser, analyser et mettre en forme les données pour produire des tableaux de bord. Appliqué dans un contexte culturel, l’enjeu majeur d’un tel outil consiste à faciliter le dialogue entre les services et la direction ainsi que la prise de décision, qui se voit enrichie par un pilotage plus large, fin et objectivé au travers de cette analyse de données.

La gestion des données se décompose en plusieurs étapes clés visant à maximiser leur valeur et leur utilité.

  1. Les outils de BI collectent des données provenant de diverses sources, telles que la billetterie, le site web ou encore les réseaux sociaux bien-sûr, mais aussi des tableurs ou autres sources de données (comptabilité, bilan d'actions culturelles, mécénat, etc.).
  2. Une fois collectées, celles-ci font l’objet d’un traitement, au cours duquel elles sont nettoyées et organisées pour garantir leur fiabilité et leur pertinence.
  3. Les données sont ensuite analysées pour identifier des tendances significatives et élaborer des prévisions éclairées.
  4. Enfin, ces résultats obtenus sont partagés et diffusés sous forme de rapports ou de tableaux de bord accessibles, facilitant ainsi leur compréhension et leur exploitation par différentes parties prenantes.

Dans un équipement culturel, un outil de BI peut aider à piloter l’activité de l’établissement ou d’un service, à identifier les actions prioritaires à mener, et à évaluer l’impact d’actions à moyen terme visant une catégorie de publics spécifiques (provenance, âge…), à comparer en temps réel l’activité sur différentes périodes… Il peut également permettre d’analyser le retour sur investissement de ses campagnes publicitaires.

On trouve actuellement deux grandes catégories de solutions de Business Intelligence. Une première catégorie est composée de solutions qui visent à réaliser… de la dataviz. Ces outils BI doivent, pour fonctionner, être associés à des logiciels de stockage et d’ETL (extract, transform and load). La seconde catégorie de solutions BI intègre l'ensemble de ces fonctionnalités. Deux outils sont régulièrement présentés comme les meilleurs du marché dans les classements :

  • Tableau (lien externe) : apprécié pour son interface intuitive, l’outil permet de créer des visualisations interactives et de connecter des données issues de multiples sources. Dans ses points forts on trouve une grande flexibilité et une communauté d’usagers active.
  • Power BI (lien externe) (Microsoft) : Cet outil s’intègre parfaitement à l’écosystème Microsoft (Excel, SharePoint). Idéal pour les petites structures, il offre des visualisations personnalisables et une grande puissance d’analyse. 

Il existe d’autres solutions parmi lesquelles Qlik Sense (lien externe), SAP BI4 (lien externe), Oracle BI (lien externe), Sisense (lien externe), IBM Cognos Analytics (lien externe), Domo (lien externe) ou encore MicroStrategy (lien externe). Dans le secteur culturel, on peut également citer le logiciel Pim’s (lien externe) dont le tableau de bord remplit quelques fonctionnalités relevant de la BI.

Dataviz et BI, des outils stratégiques à soigneusement penser avant leur mise en place

Avant tout déploiement de ce type d’outils, il est important de mener une réflexion préalable en interne pour optimiser le traitement des données, en améliorer la qualité, et mettre en place un meilleur pilotage. En effet, la bonne structuration des données et le choix attentif de ses outils de pilotage permettent d'identifier rapidement des indicateurs pertinents et de soulager les équipes. Une fois déployés, les outils présentés dans cette fiche sont appelés à prendre une place critique dans le pilotage de l’équipement et l’évaluation de ses activités. C’est pourquoi nous insistons sur la nécessité de penser leur conception et leur dimensionnement avec le plus grand soin. 

L’évaluation préalable des besoins est à ce titre une étape critique, car elle nécessite d’être mise en regard de la capacité des équipes à utiliser les outils. L’outil doit être dimensionné de façon cohérente vis-à-vis des compétences de l’équipe et de son appétence pour ces questions. La complexité ne portant pas de vertu intrinsèque, un outil simplifié mais correspondant aux besoins sera plus précieux à l’équipement qu’un outil sophistiqué inadapté à sa réalité. Par ailleurs, cette phase d’idéation est propice à la multiplication de souhaits et d’indicateurs de suivi, ayant pour résultat l’accumulation de tableaux de suivi sans réelle utilité qui pèseront sur les équipes au lieu de lui rendre service. C’est donc durant cette étape qu’il faut affirmer les priorités, écarter le monitoring superflu et se concentrer sur les indicateurs et informations apportant une réelle plus-value à l’équipement et à son pilotage. 

De tels projets doivent faire l’objet de l’implication de toutes les parties prenantes concernées. Celles-ci doivent par conséquent décrire précisément ce qu’elles attendent de la Business Intelligence ou de la Datavisualisation, les informations à inclure dans le reporting et les analyses périodiques à effectuer, ou les visuels à produire. En outre, et ce malgré leur relative accessibilité, les outils de Dataviz et de BI nécessitent une formation préalable pour leur bonne prise en main. Envisager des économies sur cette étape du projet présente le risque majeur de le faire échouer par manque de compétences.

Pour réussir ces étapes cruciales, nous vous proposons de vous aider des fiches « Comment formuler ses objectifs et finalités stratégiques ? » et « Comment réussir sa phase d’expression de besoin et le déploiement d’un projet ? » .

Pour aller plus loin

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